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Pour une économie juste: de la parole aux écrits

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LemieuxOrganisée par la Fondation Singer-Polignac, le CNRS (ENS/CIRID) et l'Institut islamique de recherche et de formation ((IRTI-BID, Djeddah), la conférence internationale Ethique et religions pour une économie juste s'est déroulée les 23 et 24 janvier 2014. Et Actes pour une économie juste, sous la direction de Dominique de Courcelles, en est le fruit.

Ce volume stimulant réunit les contributions des participants – économistes, philosophes, sociologues, historiens, juristes, artistes - animés par la conviction que « dans notre monde globalisé où le court terme tend à dominer toute action économique et sociale, où les exigences idéologiques et partisanes pressent de tous côtés les chercheurs et les acteurs, il importe plus que jamais de réfléchir ensemble, de faire le point sur les conditions acceptables de la bonne gestion du monde, cette économie selon les termes oikos et nomos, et de faire des propositions concrètes, pour la transmission de valeurs qui soutiennent la dignité des êtres humains en écoutant et en respectant la pluralité des cultures et des histoires ». Même si la tendance est « à la dérision » pour ce qui a trait à « toutes les valeurs de confiance »...

Quelques titres de chapitres donnent une idée de la richesse du propos : « D'Aristote à l'Espagne commerçante du Nouveau monde » (Christoph Strosetzki), « La lutte contre la corruption pour une économie juste » (Claude Mathon), « Géopolitique de l'eau dans quelques pays arabo-musulmans » (Pierre Berthelot)...

Mahmoud Sami Nabi, de l'Ecole polytechnique de Tunisie, souligne que plusieurs textes du recueil aideront « le lecteur à avoir une vue d'ensemble sur les dimensions éthiques et universelles de l'économie et de la finance islamiques et sur les mécanismes pratiques qu'il est possible de concevoir pour favoriser la justice économique », en écho aux travaux de Dominique de Courcelles, qui rappelle, par exemple, « l'interdit fondateur dans les trois monothéismes du prêt à intérêt, c'est-à-dire de l'usure ». Retenons donc cette thématique...

CHEZ ARISTOTE

Bochra Kammari, doctorante (ENS-EHESS-CIRID) étudie l'éthique, la morale et les usages de l'argent dans le christianisme et dans l'islam, une bonne introduction à notre problématique, l'auteur rappelant que chez Aristote déjà, « on trouve l'idée que l'argent ne peut enfanter de l'argent : il est un moyen d'échange et non un moyen de production et ne peut donc devenir une finalité en soi », qui a inspiré « l'interdiction de la riba en droit islamique ».

Abderrahmane Lahlou (ABWAB consultants, Casablanca) dresse les finalités principales des « fondements légaux du système économique islamique » : création de valeur, équité, solidarité, justice, interdiction de la corruption, juste répartition des richesses, redistribution, prohibition de la spéculation, etc. Un beau catalogue théorique qui alimente une doctrine économique en islam qui « n'a été élaborée sous un format scientifique que dans les dernières décennies », admet-il ! (« Philosophie de l'économie et de la finance islamiques »).


Emmanuel Gabellieri - Principes et pratiques du... par SINGER-POLIGNAC

De Courcelles rapproche Piketty - qui explique qu'il « est très difficile d'avoir un débat serein sur les grands débats du monde tant que régnera une telle opacité sur la répartition des richesses et des fortunes mondiales » - et la modernité d'Ibn Khaldûn (1332-1406), pour qui « ceux qui prennent de force le bien d'autrui sont injustes. Et c'est l'Etat qui en pâtit, car tout cela ruine la civilisation, qui est la substance même de l'Etat ».

Cela lui permet de relever que « la finance dite islamique (…) a été perçue en 2008, surtout en Europe et au Royaume-Uni, comme une possibilité d'éviter les crises financières liées notamment au surendettement ». Ainsi, remarque de façon un peu optimiste Lofti Boulahrir, de l'Ecole nationale de commerce et de gestion de Marrakech (« Pour un système financier au service de l'homme et de l'économie »), « la crise de la finance est aussi une crise comportementale. L'absence d'une éthique, religieuse ou non, suscite des comportements irresponsables (…). Les transactions doivent être ancrées dans des valeurs morales et religieuses (…). c'est ainsi qu'on peut expliquer comment les banques islamiques n'ont pas été affectées par la crise »...

PERENNITE

Ethique, dignité humaine, morale... « Il n'y a pas aujourd'hui de gouvernement mondial qui puisse imposer seul un ordre ». Il reste donc à « repenser le rôle des institutions pour promouvoir une économie juste par la juste régulation des activités économiques et financières », analyse De Courcelles.

Pour le professeur à l'université Rovira i Virgili de Tarragone, Enric Olivé-Serret, « il existe une incontestable coïncidence de valeurs entre de nombreux analystes occidentaux, effrayés par la dérive ultralibérale du capitalisme financier et la tradition islamique d'aide aux pauvres, l'un des cinq piliers de l'islam »... à la réserve près que la banque islamique « est fondée sur des principes éthico-religieux ».

La pérennité de ces systèmes dépendra de leur capacité à « savoir introduire dans le capitalisme des éléments de régulation exemplaire » (au Nord) et de « chasser les stigmates d'un islam rétrograde » (au Sud), pour aboutir « à une praxis bancaire et à une économie ayant pour centre non pas le capital mais la personne ».

P.J.

Actes pour une économie juste, sous la direction de Dominique de Courcelles. Lemieux éditeur, 400 pages, 30 euros. Parution le 19 juin.


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